2007, HARAMBOURG Lydia, "La ligne et le volume", Préface du catalogue du Château de Tours

LA LIGNE ET LE VOLUME

Dessiner, peindre, modeler sont pour Martine Martine une seule et même activité, dont seuls, les moyens diffèrent. Ne s'agit-il pas à chaque fois de conquérir la vie en recourant à la ligne, à la couleur et au volume ? Son alacrité native va se mouvoir en une passion pour l'art dont on devine l'évidente prégnance dans une famille d'industriels ouverte à l'aventure créatrice. Vivre au quotidien dans la proximité des chefs-d'oeuvre de l'art moderne, dresse son regard, le dispose à l'apprentissage de la vie qui se fortifie des lois de la croissance naturel le inhérente à toute chose. De sa détermination à l'entêtement mis dans un engagement irréversible, Martine Martine sait que sa vocation est affaire de survie. L'art se conjugue d'abord à la première personne du singulier. Il exige une folie inconsciente dans son audace à se confronter à la nature. Martine en pressent les enjeux périlleux où le doute, les certitudes, à peine acquises avant d'être reconduites, seront les ferments à une indépendance d'esprit qu'exige son indicible personnalité.

 

Celle-ci ne se révèle-t-elle pas dans le choix qu'elle fait de doubler son prénom ? Une gémellité prémonitoire puisque Martine Martine se révélera autant peintre que sculpteur. L'exigence de son art l'incline à la solitude nécessaire à sa propre connaissance, et l'induit à une discipline au sein de laquelle elle va trouver sa liberté.

 

A I'Académie Julian, à l'Ecole polytechnique de dessin de Londres puis à la Grande Chaumière, Martine Martine acquiert les rudiments du métier. Au commencement est le dessin. C'est par la ligne que peinture et sculpture adviennent. Complémentaire, et cependant de nature opposée, la matière porte en elle son poids charnel. Dès ses premières peintures, Martine Martine pose d'instinct des touches épaisses et grasses et construit dans la couleur. Ses coups de brosse, enlevés, structurent la composition : qui répond à un ordre et à une cohérence plastique, dont elle maîtrise le mouvement naturel, quel que soit le sujet.

 

Ses sujets, récurrents, jalonnent un parcours mené avec lucidité, dans l'analyse et la réflexion transcendées par une ferveur qui régénère chaque nouvelle oeuvre. Portraits, Musiciens, Nus, Livres, Natures mortes, Vernissages, Mains, Chevaux, d'Après (les peintures de maîtres) auxquels se sont ajoutés plus récemment les Sumos. Les tons montés, sombres au début, pour s'éclaircir progressivement, sont au service du réel soumis à une force intérieure portée à son paroxysme.

 

Sa nécessité de peindre se nourrit d'une énergie initiale, qui l'oriente vers un expressionnisme ajusté à sa vision du monde et à un humanisme, fer de lance de son art.


En 1973, la peinture ne lui suffit plus. Mue par l'urgence à saisir la vie, Martine Martine mesure le rôle joué par les formes. Elle sort du plan, se confronte à l'espace, interroge la ligne inductrice du rythme, veut percer le secret de l'équilibre des formes modulées par la lumière. Martine Martine sculpteur se révèle. Sa violence baroque circonscrit l'informe et la force vitale, enfouis dans les limbes auxquels elle arrache le mystère d'une création, par elle rendue visible. Son récent Buste de Balzac témoigne de ses conquêtes plastiques qui s'inscrivent dans la tradition de la sculpture française, pour une vérité.

 

Martine Martine représente. Son humanisme fervent dicte chacune de ses recherches formelles nées de son dialogue constant avec la matière. Si le corps humain est le réceptacle de toutes les émotions de la condition humaine, il revient à l'artiste de relever le défi de répondre à sa propre tourmente, à ses anxiétés en rejetant la pâle imitation afin que le mystère originel prenne forme de la matière non pour reproduire le visible mais pour en transposer l'apparence.

 

Martine Martine témoigne de la place de l'homme dans l'univers.

 

 

Lydia HARAMBOURG