2006, HARAMBOURG Lydia, présentation de l'exposition de l'Orangerie, propriété Caillebotte, Yerre

L'oeuvre de Martine Martine s'ouvre sur l'universel.


Par sa diversité thématique, réponse à la seule exigence de son engagement, qui ne peut advenir sans une puissance d'analyse et de recherche, renouvelée par un travail hors du commun, Martine Martine impose sa vision. Une et ambivalente, dans une continuité plastique qui n'est pas la moindre de ses qualités dans l'exercice d'un art pour lequel elle refuse l'hermétisme.


Avoir reçu très jeu ne les encouragements de Dunoyer de Segonzac a stimulé une vocation irréfragable, où le témoignage de l'homme y trouve sa plus éloquente interprétation. La quête de la vérité était au coeur de l'aventure et scelle toujours un parcours placé sous le signe de la persévérance et de la patience. 

 

Rien ne se fait dans le monde de la création artistique sans une prédisposition au regard. Celui de Martine Martine est conduit par une acuité pertinente autant qu'intuitive qui donne à son oeuvre son authenticité. L'oeil est en éveil constant, attentif. Il fouille, élit, arrête et engrange, précédant la main qui prendra plus tard le relais, dans un processus créateur duquel toute faiblesse sera exclue.

 

La main est cet outil par lequel toute vie prend forme, l'interprète d'une conscience avertie qui s'apprête à dialoguer avec le matériau, limon fertile de la couleur autant que gangue tellurique anoblie par le feu, pour lui donner un corps de bronze.

 

Main laborieuse, main d'espoir, main qui pleure, main priante, elle est l'instrument de toutes les actions de l'homme, elle l'accompagne sur le chemin de la vie. Elle est l'humanité en marche.

 

Les mains se tendent, s'ouvrent, telles des corolles écloses, ardentes et fertiles dans leur souveraine autonomie. Elles jaillissent pour une ascension pyramidale. Paumes tournées, offertes ou fermées, les doigts dressés ou bien arc-boutés dépliés comme une fleur née des ténèbres pour s'ouvrir à l'espoir, les mains tissent une chorégraphie dont le pinceau s'emploie à articuler les élans dominés.

 

De puissants coups de brosse flexibles construisent dans la couleur, alors que le dessin circonscrit à partir d'une écriture cursive et souple, une forme vivante, issue tout autant d'une connaissance anatomique que d'un imaginaire visionnaire.

 

L'expressionnisme de Martine Martine engendre inconsciemment un récit métaphorique.
Son humanisme y est enraciné.


Dans un espace jugulé par les tensions graphiques et colorées, que sanctionne une palette dont les tons sont montés pour des harmonies tonales, la lumière surgit pour parachever ce thème rédempteur.


Main qui sauve, main qui bénit, main qui oigne, mai n q u i crée, la main, da ns l'oeuvre de Martine Martine, est éloquente et éminemment symbolique. Et comme l'artiste exerce la double activité de peintre et de sculpteur la ma in d u praticien questionne d'autres explorations. Celles de la terre ou du plâtre ava nt la coulée du métal en fusion pour un bronze qui gardera les empreintes frustes et sauvages des doigts, des pressions du pouce, traces ferventes d'un combat mené avec la matière.

 

Ses mains gravitent secrètement pour extraire ces lignes de force mises à nu dans les doigts éruptifs de la grande main araignée. Emergence d'un monde, dont seul l'art peut nous faire toucher la substance la plus intime, pour une présence sensuelle troublante dont Martine Martine nous dit la force intemporelle.

 

Voilà que dan sa perception duelle de la matière et de la forme pour une image prémonitoire, Martine Martine retrouve le rythme, l'harmonie et l'équilibre qui participent de la marche de l 'univers. Comme l'est son art qui ne revendique aucune appartenance, si ce n'est celle des Maîtres dont elle espère le compagnonnage.

 

Les mains de Martine Martine en expriment la grandeur pour dire la vulnérabilité de la chair.


Lydia HARAMBOURG
Historienne Critique d'art